Je t’ai cherchée


Dans mes balbutiements de nourrisson, je t’ai cherchée. J’essayais d’entendre ta présence libératrice dans la cacophonie de mon hochet, à travers les mailles de mon parc, sur le sein de ma nourrice, dans la douceur suave de mon biberon. Par intuition.

Dans mes tâtonnements d’enfant, en marge de mes cahiers, dans les contours des dessins inavouables de mes camarades, au creux d’un écrin providentiel, je t’ai cherchée. But ultime de nos jeux de marelle, à cloche-pied, je te poursuivais. Par adoration.

Dans mes rugissements d’adolescent, à coups de décibels insolents sur ma guitare insoumise, je t’ai cherchée. J’ai brandi des étendards à ton effigie pour que tu existes dans mes rêves sanglants et justifie ma révolte. Par vocation.

Dans mes marmonnements d’homme, entre deux pauses café, je t’ai cherchée. Sous les rides pointaient la maturité qui faisait semblant de comprendre et l’adulte qui se lassait de t’attendre. La survie se nourrit de compromis que la raison adore. Par soumission.

Dans mes ânonnements de vieillesse, je t’ai cherchée, encore. Comme si l’attente justifiait les sacrifices, comme si les peines étaient purgatoires. Je te tutoyais comme une vieille amie, comme si ces années de promiscuité imaginaire autorisaient le rapprochement salutaire. Par procuration. 

Dans mes expirations de grabataire résigné, sur mon lit de mort, je t’ai trouvée. Comme une justification de mon amour fidèle et platonique consacrant une existence atrophiée. Ton souffle belliqueux se mêle à mes râles anxieux pour des adieux éphémères et chimériques. Liberté, pourquoi avoir tant tardé ?


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