Chère rasade
J’aime les soirs d’Orient où s’évadent les certitudes
Qui dorment entre des croissants de lune parenthèses
Les étoiles soyeuses bercent alors mes solitudes
D’un souffle doux quand mes blessures se taisent
Trinquons, chère rasade, à mes mille et un ennuis
Noyons les chagrins et les tourments de mon âme
Partons en croisade contre les remparts de la nuit
Viens brûler mon gosier, nectar d’Omar Khayyâm
Mon royaume s’agrandit aux confins de l’ivresse
Je commande une armée des sœurs de Cléopâtre
Je suis Pharaon, je suis Darius roi de Perse
Allongé ivre dans mon palais de carton plâtre
Trinquons, chère rasade, à la mort de nos idylles
Des harems désertés par mon cœur Mamelouke
Les larmes du Nil glissent sur la peau des crocodiles
Khan al Khalili est fermé, où boire au souk ?
Le vin m’a rendu si grand que je suis d’attaque
Ma seule peur est que la dernière carafe soit vide
Pour pissotière je prends les colonnes de Karnak
Et donne à mon chien pour niche la Grande Pyramide
Trinquons, chère rasade, baume sur les plaies de ma bouche
Les momies fuyant le tombeau dorment Place Tahrir
Ce soir à Zamalek je mendierai une couche
La source de mes peines n’est pas près de tarir
Encore du vin clair pour caresser mon larynx
Jusqu’à la moindre goutte de la dernière chopine
Réponds si tu connais l’énigme, mystérieux Sphinx
Quelles rimes, poète, peuvent charmer une Alexandrine ?
Trinquons, chère rasade, déborde le barrage d’Assouan
Que le fleuve lave mon cœur et ses profondes blessures
Ce n’est plus le vin qui coule, c’est mon propre sang
Son souvenir est cruel mais j’aime sa torture…
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