Comme….

 



Comme un mendiant drapé de ciel avec le trottoir pour oreiller

Comme le nourrisson à l’orphelinat, bêlant pour une mamelle d’emprunt

Comme un cauchemar que l’aurore ne viendra pas réveiller

Comme le lichen desséché sur la roche lorsqu’il est privé d’embruns

 

Comme une ecchymose, vestige de combats perdus contre des moulins

Comme l’écho d’un râle mourant dans le vide d’une maison fantôme

Comme le sculpteur qui renie avec dégoût l’œuvre de ses mains

Comme le déguisement de jeunesse tombé aux pieds de ma peau d’homme

La banquise et le désert étaient mes contrées

Je n’avais pas de pays avant de te rencontrer

 

Comme un soupir qui ne trouve en aucune bouche son issue de secours

Comme un billet de métro piétiné par des pieds indifférents sur les quais

Comme un marcheur déboussolé à chaque nouveau carrefour

Comme le coquelicot qu’on ne mettra jamais en bouquet

 

Comme le portail décharné tombé de ses gonds rouillés

Comme le combattant aguerri prêt à tout face aux prétoriens

Comme la mine d’or que les prospecteurs ont en vain fouillée

Comme le loup sauvage domestiqué pour en faire un chien

J’étais comme un prophète sans aucun dieu à idolâtrer

Je n’avais pas de religion avant de te rencontrer

 

Comme le murmure d’une liturgie dans le labyrinthe d’une cathédrale

Comme un martyr en désespoir de cause à combattre

Comme le confetti flottant au caniveau après le bal

Comme César devant les ruines du palais de Cléopâtre

 

Comme le chêne déraciné par la tempête pleurant ses racines

Comme la corde d’une harpe muette qu’on cesse d’effleurer

Comme une rose écorchée par ses propres épines

Comme la lueur d’une luciole prisonnière d’un incendie de forêt

 

Comme l’épitaphe du soldat inconnu dont l’histoire ignore les exploits guerriers

Comme un marin dans la brume guettant le sémaphore

Comme une cigarette loin des lèvres aimées se consume dans le cendrier

Comme Roméo suppliant Juliette d’y croire très fort

Fatigué de battre dans le silence, j’étais ce cœur qui s’use

Je n’avais pas de langue avant de te rencontrer, ma muse….

 

 

 

 

 

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