Nuit du chien noir
Le soleil couchant maquille l’horizon
A petites touches
Comme une prostituée des bas quartiers ;
Trait de crayon,
Rouge à rêves sur la bouche
La lune borgne enfile son dentier
Du rose et de l’oranger sur les falaises
Fard à joue sur les fadaises.
La nuit tombe comme une guillotine
Décapitant les remords innocents ;
Les étoiles assassinent
Les derniers recoins sombres réconfortants.
Les dents écarlates de la nuit mordent ma chair
Et déchiquètent mon amnésie
Ses loups indomptables comme l’éclair
Domestiquent ma soif d’hérésie.
Elle aboie aux fenêtres
Effrayant le troupeau des anges du sommeil
Elle va pouvoir se repaître
Des lassitudes qui reposent entre mes oreilles.
Elle est le nombril des attentes vaines
Où exultent les tornades
La nuit dans sa chute entraîne
Un éboulis de mélancolie fade
Elle se disperse et pénètre
Le squelette des égarements
Qui respirent aux fenêtres
Les suffocations par fragments.
Elle s’installe pour une éternité
Qui durera jusqu’à l’aube en déroute
Célébrant l’ironique fraternité
De ses silences noirs et de mes doutes
Disloqués par des éperons de pluie
Allaitant mon visage comme le sillon des anges :
Je sens sur mes joues salies
L’empreinte aléatoire de leur pas étranges
Moissonner des clameurs tropicales
Dans la paume de mon cœur
Au son du clapotis des villes bancales.
Leurs clairons moquent les prétendus vainqueurs :
Ici il n’y a jamais eu de bataille !
Le feu des saisons aux paupières brûlées
Disperse la trajectoire des souvenirs de paille
Les fantassins imaginaires continuent de reculer.
On dit ma folie singulière
C’est que je n’aime pas le pluriel
Dès lors qu’on est deux on se perd
La vie devient un impitoyable duel
Echange de venin de crotale
Et il n’existe pas de foule sentimentale
Viendra l’aurore orgueilleuse
Qui flatte ma silhouette sur un talus
Recroquevillée et frileuse
Ni rédemption ni salut
Jusqu’à ce qu’elle interprète le remord
Comme un enfer acceptable
Ou un purgatoire périssable
La nuit ne reconnaît jamais ses torts
Le jour s’agenouille dans une flaque qui a croupi
J’y découvre le reflet de mes déchirures
Et de mes inquiétudes assoupies
Prémisses d’une agonie apaisante
Car promesse de délivrance
La mort se déguise en issue exaltante
Evènements minuscules qui tiennent lieu d’existence
Yeux gémissants attendant une transfusion de tambours
Patience ! A chacun son tour
Moi, moi, et tous les autres qui attendent
Le cimetière ne serait qu’un alibi illusoire
S’il existait un paradis autrement que de légende
Je tente désespérément d’incendier ma mémoire
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