Dix mémos pour dire mes maudits maux sans mot dire

 


I
Je disperse les mots pour trouer le silence
L’écho-système ne raisonne que dans le vide de sens
Ceux que j’ai en stock, je les écoule pour les laisser flotter
Jusqu’à ce que la vérité vienne s’y frotter
Je les pétris comme je les peints
Je les bricole contre l’ordre établi
Des mots allumés que j’étreints
Que mon corps serre comme des pirates anoblis
 
II
Ils n’appartiennent à personne, les mots convolent à l’envi
Je les console de jeux interdits
Je les aiguille quand ils sont perdus sans faire de foin
Je les murmure aux cyprès, je les crie de loin
Au moindre coup de vin je devine leur grâce divine
Je les dissimule aux ânes car ça les éduque
Je les oublie quand passés de mode ils deviennent caducs
Autant à l’autre qu’à l’un je les câline
Je diverge quant à leur nature basique ou alcaline
 
III
Je dis nos chandelles dans le ciel en guise de soleil
Je dis nos ors aux aurores en parure de vermeil
Je divague quand j’écume de rage contre l’amer
Je prends le large quand tout m’atterre
Je dilapide mes mots comme des pierres précieuses
Je les dis à thème comme une couronne d’idées précises
Je les dis agnostiques pour évaluer mes croyances
Entre les sucrés et laisse-aller, je leur laisse leur chance
Quand je pèse mes mots, je les dis à grammes mais les vends au culot
Je les enfouis dans un bas d’laine ou les cache à l’eau.
 
IV
Quand je soliloque je les dis à l’ogre imaginaire de mes nuits monstrueuses
Je les dis amants pour qu’ils brillent des feux de l’amour
Je les distribue contre le silence qui est une maladie honteuse
Je les sculpte et les ausculte à chacun leur tour
Dans mes déliriums très minces je les raye de mon vocabulaire :
Je les dis à raies aux zèbres alcooliques
Je les chante sans en connaître l’air
Je ne les écoute que pour leur musique
 
V
Je les dis cible pour qu’ils touchent au but
Je les dis femmes pour qu’à l’homme niais les vies dansent
Et si vous n’en aimez pas la cadence
Restez sourds à ce qui vous rebute
Je les dis geste pour avaler les couleuvres de la langue des signes de l’imprévu
Je les dis latte quand je planche sur les sujets ajourés
 
VI
Je les dis lus quand ils sont écrits, halos de rosée sur la langue pure
Je les dis cernes quand ils creusent des rides, maquillés en poudre aux yeux
Je les dissous quand ils sont sûrs de faire susurrer la censure
Je les avale quand je dis jeune pour paraitre moins vieux
Je les dis stricts dans un quartier de mon intolérance si l’errance finit en tôle
Je les distraie dans leur cage-geôle pour une parole plus drôle
Je les espère gagnants dans ce combat contre les maux qu’est la vie :
C’est l’avis moqué où les phrases se terminent par un poing.
Ce sont eux qui me font avancer quand il me manque l’envie
Ils m’enflamment de pourpre à brûle-pourpoint.
Je dis la vérité avec des mots véhéments
Sans me départir des iniquités, paradoxe allemand,
J’habille le réel de poésies-dérobades
Je fais mes dents de lai sur des aubades
J’accrois les mots-songes en rêves-hoquets
A cloche-pied je laisse la fantaisie m’éduquer
 
VII
Je les panse quand les faits blessent
Avec un scepticisme tuméfié
Sous l’hématome le beau varie sans cesse
Je laisse les blessures me cartographier.
Je les chasse quand je n’ai plus besoin de béquilles
Des mots ouverts comme des yeux qu’on écarquille
Je me vaccine contre les mots d’Epicure
On ne saisit pas le jour quand il est trop obscur…
 
VIII
Des noms d’oiseaux tombés dans le déni
Pour revivre le monde, pour émonder la vie
Des mots qui dans mes oreilles sans à-coups freinent
Les volontés assourdies qui battent dans mes veines
Des mots sans panne aux plis pour vilipender les potences
Au carnaval du probable je les déguise aux couleurs de la chance.
 
IX
Joli mot exilé, je t’ai bâti des temples sans qu’tu erres
Mot intime au logis, je caresse ton étymologie
Si tu ris, fais rire sans coup férir, dur comme fer
Sans devenir thuriféraire d’une folie assagie
Sans être l’encenseur social en panne de sens
Je te laisse dériver vers le vrai pour arriver
A l’avéré dont je verrai navré la naissance
Parfois il arrive que le faux soit archivé
 
X
Relax max quand ils sortent de mon thorax
A l’aise Blaise m’as-tu dit
Les mots sont l’émotion : je dis zen pour décupler la sérénité
Ces maudits mots dits à l’envers allant droit vers l’élan des pervers
Je les delete quand c’est face, quand c’est pile
Comme un franc-tireur délite les murs dont on perd la trace
Puis je disparais sur la pointe des pieds, sans les compter
Après les avoir semés à ton oreille dans ton sommeil
Pour qu’à demi-mot tu parcoures encore mon corps
L’apprennes par cœur et de la langue de tes mains le décores…

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