Existence
Passager banal sur un radeau de brindilles
A droite, à gauche, au milieu, peu importe le sens
Des paumés nous étions toute une sacrée flottille
En riant nous regardions sur la berge passer
La rigide démarche assurée de Ceux Qui Savent
Où, pourquoi, et comment ils vont, d’un air pressé
Vers ce but inconnu, avec toujours l’œil suave
Parfois la nuit nous accueillait dans une clairière
Dormant auprès d’un feu après nos chansonnettes
Les somnambules passaient, nous jugeant, l’air sévère
Aveugles guidés par leur pas de bourgeois honnêtes
Nous passions quelquefois plusieurs jours à rêver
Au hasard de l’endroit, des filles, des paysages
Moquant le regard fou des Pressés d’Arriver
Nous n’avions que notre insouciance pour tout bagage
La tête adossée à la lune, la joie limpide
Rien au monde ne pouvait troubler notre sommeil,
Tandis qu’ils cavalaient, collectionnant les rides
Dans une folle course de chacun contre son pareil
Jusqu’au jour où, dans la brume lointaine du fleuve
Nous aperçûmes enfin les bords du précipice
Eux, affolés et blêmissant devant l’épreuve
Nous, hilares, toujours aussi légers de la cuisse
Etape finale de notre fugace parcours d’humains
La Faucheuse, indifférente aux itinéraires
Attendait au bout de nos éphémères chemins
Que nous parcourûmes flânant, et eux ventre à terre.
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